Avec la croissance rapide du nombre d’applications de l’Internet des objets dans le domaine de l’énergie, construites par des milliards de dispositifs et de données produites, l’exigence d’intégrer des capteurs et des actionneurs pour une automatisation efficace est fondamentale pour maintenir la communication Machine-to-Machine (M2M). Les éléments clés d’un système énergétique intelligent sont la conformité et l’interopérabilité des données énergétiques d’un système IoT / bâtiment intelligent / réseau intelligent.
Le nombre de dispositifs IoT augmente à un rythme rapide. D’ici 2021, 35 milliards de dispositifs IoT seront installés dans le monde. Le nombre d’appareils connectés en 2021 sera de 46 milliards. En outre, le projet européen Unify-IoT a récemment montré qu’il existe actuellement plus de 300 systèmes IoT sur le marché, et que d’autres sont en cours d’élaboration. Ces plateformes poussent chacune leur propre infrastructure IoT, leurs protocoles et interfaces propriétaires, leurs normes, formats et sémantiques incompatibles, ce qui donne lieu à des écosystèmes fermés. Assurer l’interopérabilité est alors impératif pour que les données puissent être comprises par plusieurs systèmes externes, notamment les systèmes provenant d’autres secteurs, comme le réseau électrique.
Nous cherchons ici à assurer cette interopérabilité en créant une ontologie afin que les données soient comprises par les systèmes externes, de manière ordonnée.
1. Qu’est-ce qu’une ontologie ?
Une ontologie est un ensemble de primitives de représentation utilisées pour modéliser un domaine de connaissances ou de discours dans les sciences de l’information et de l’informatique. Elle peut être considérée comme un degré d’abstraction des structures de données, similaire aux modèles hiérarchiques et relationnels, mais destinée à modéliser les informations sur les individus, leurs caractéristiques et leurs relations avec d’autres individus dans le contexte des systèmes de bases de données. Les ontologies sont spécifiées dans des langages qui permettent de s’abstraire des structures de données et des stratégies de mise en œuvre, plus proches de la logique du premier ordre en termes de pouvoir expressif que les langages des bases de données.
À cet effet, on dit que les ontologies se situent au niveau “sémantique”, tandis que les schémas de bases de données sont des modèles de données au niveau “logique” ou “physique”.
Les ontologies sont utilisées pour intégrer des bases de données hétérogènes, permettre l’interopérabilité entre des systèmes disparates et définir des interfaces vers des services distincts, basés sur la connaissance, en raison de leur indépendance vis-à-vis des modèles de données de niveau inférieur.
2. Ontologie de référence des applications intelligentes : SAREF
L’ontologie SAREF (Smart Applications REFerence) est l’ontologie de référence des appareils intelligents. Soutenue par l’ETSI, elle est basée sur le concept d’un appareil comme une entité physique qui exécute une ou plusieurs fonctions, et a été fondée pour définir le domaine de la maison intelligente, mais elle s’est maintenant développée pour inclure des modules spécifiques pour l’énergie, les bâtiments, l’environnement et l’industrie du futur.
SAREF est un paradigme de consensus qui permet de faire correspondre les actifs existants dans le domaine des applications intelligentes.
Figure 1: vue d’ensemble de l’ontologie SAREF (Source: https://saref.etsi.org/)
SAREF permet :
- De spécifier les concepts fondamentaux récurrents dans le domaine des applications intelligentes.
- De réutiliser et d’aligner des concepts et des relations qui sont définis dans les supports existants.
- De séparer et recombiner des différentes parties de l’ontologie en fonction des besoins spécifiques.
- D’assurer l’extensibilité pour permettre à l’ontologie de se développer.
- D’assurer la maintenabilité pour faciliter le processus d’identification et de correction des défauts, la prise en compte des nouvelles exigences et des changements.
Des extensions de SAREF ont été développées afin de répondre aux besoins spécifiques de différents domaines. On peut trouver l’extension SAREF4ener pour le domaine de l’énergie. SAREF/SAREF4ENER est proposé comme une ontologie à mettre en œuvre dans le réseau intelligent afin d’obtenir une interopérabilité sémantique. SAREF4ENER a été développé en partenariat avec Energy@Home et EEBus [1], les principales associations industrielles basées en Italie et en Allemagne, pour permettre l’interconnexion de leurs modèles de données.
3. Spécification de notre ontologie
Le domaine de notre ontologie est la représentation des données énergétiques locales issues du compteur Linky. L’objectif est d’assurer l’interopérabilité des données énergétiques afin qu’elles puissent être comprises par plusieurs systèmes externes. Cela est fait en lien avec le projet européen Interconnect, qui vise à interconnecter les systèmes smart grid et smart building.
Nous avons cherché avant tout à améliorer et étendre les sources existantes pour notre domaine et notre objectif spécifiques. En effet, si notre système doit communiquer avec d’autres systèmes qui ont déjà adopté des ontologies ou des vocabulaires contrôlés spécifiques, il peut être nécessaire de réutiliser des ontologies existantes. Nous utilisons la plateforme PROTÉGÉ qui est un logiciel auteur pour la création d’ontologies. Elle permet d’importer une ontologie existante au format électronique, et d’y apporter des modifications pour avoir finalement une version avancée de l’ontologie existante avec plus de classes et de propriétés. Nous réutilisons l’ontologie SAREF pour assurer l’interopérabilité des données du compteur Linky et plus particulièrement son extension SAREF4ENER qui contient des classes déjà utiles pour la conversion des labels de Linky vers l’ontologie SAREF.
4. Développement de l’outil
Dans un premier temps, nous avons extrait les données du compteur intelligent Linky qui sont nécessaires à la conversion des étiquettes Linky vers les technologies SAREF. Nous avons obtenu des données Linky en utilisant l’interface locale de télé-information client (TIC), qui permet d’obtenir de nombreuses données sur notre consommation en direct (mises à jour toutes les secondes). Le jeu de données Linky a été chargé et converti en RDF. Nous avons pour cela utilisé Apache Jena, qui est un cadre Java open source soutenu par Apache, pour construire des applications de web sémantique et d’annotation sémantique. Il est composé de différentes API qui interagissent ensemble pour traiter les données RDF.
Avec l’aide du logiciel PROTÉGÉ, nous avons créé une nouvelle extension avec de nouvelles classes à l’aide de l’ontologie existante, pour étendre SAREF aux besoins de Linky, en progressant de la définition des concepts les plus généraux du domaine, à la spécialisation de ces concepts.
Nous avons utilisé les classes existantes pour les concepts généraux comme la puissance ou l’énergie, puis nous avons créé les classes manquantes pour les concepts généraux comme le courant. Après cela, nous avons spécialisé la classe Courant en créant certaines de ses sous-classes : Courant instantané, Courant maximal, Intensité souscrite. Ainsi, nous obtenons un traducteur permettant de transposer les données Linky au format SAREF tel que complété par nos nouvelles classes.
Nous pouvons utiliser ces sous-classes, comme le courant instantané et le courant maximum, pour indiquer si un appareil dans une maison peut être démarré ou non. De même, les heures de pointe et les heures creuses indiquent le meilleur moment pour ce démarrage en fonction des tarifs d’électricité. Cela permet de créer des applications de gestion de l’énergie plus intelligentes, et mieux connectées.
Pour conclure, la technologie présentée dans ce projet facilite la création d’applications pour la gestion de l’énergie plus connectées, intelligentes et résilientes. Par exemple, nous avons développé un raisonneur sémantique utilisant les données Linky pour contrôler des appareils de la maison : allez voir notre article “Démonstration d’un raisonneur sémantique au sein du Trilab” pour en savoir plus !
Pour en savoir plus, SAREF-Compliant Knowledge Discovery for Semantic Energy and Grid Interoperability” est détaillé en [2].
Bibliographie
[1] Energy@home, « SAREF4ENER: the SAREF extension for Energy@Home published as ETSI Technical Specifications », daté du 05/04/2017.
[2] “SAREF-Compliant Knowledge Discovery for Semantic Energy and Grid Interoperability”, publié dans IEEE World Forum on Internet of Things (WF-IoT 2021).